Voici la traduction :
J'ai toujours pensé que la France, compte tenu de sa proximité géographique avec l'Espagne, était largement méconnue en matière de jeux de rôle. Et je crois que ce n’est pas tant à cause de la langue, certes ce qui joue aussi, mais plutôt par flemme : on ne prête pas attention à ce qui vient des Françouzes. Hormis des zones très spécifiques au sein de communautés autonomes spécifiques (Catalogne et Pays basque), on ne s'intéresse pas beaucoup à ce que font nos voisins d'outre-Pyrénées, à moins que ça ne finisse par être traduit.
Et le fait est que la France publie souvent du très bon matériel : c’est un marché avec une forte demande intérieure, et où sont également sortis des produits si réussis qu’ils ont non seulement été exportés vers d’autres pays et ont été traduits dans d’autres langues (par exemple INS/MV, paru en anglais et en espagnol), mais encore des éditeurs de renommée internationale leur ont permis de publier et d’étoffer du matériel officiel de leur propre création pour des jeux dont ils détenaient la licence de traduction (White Wolf ou Chaosium en sont deux exemples classiques), vu le haut niveau de qualité de leurs produits à tous les égards.
Hier, on m’a fait passer un jeu de rôle français, qui n'est plus commercialisé aujourd’hui, intitulé Trauma. Il existe beaucoup de jeux et de suppléments/aides de jeu utilisant le mot « Trauma » dans leur titre, mais je parle ici d’un jeu de rôle apparu pour la première fois en 1986, publié par un magazine aujourd’hui disparu, Chroniques d’Outre-Monde — que l’on traduit en espagnol par Crónicas de Otro Mundo —, communément appelé “COM”.
Chroniques d’Outre-Monde était une revue française de jeux de rôle. 26 numéros sont parus, de mai 1986 (numéro zéro de la revue ; le n° 1 est sorti quelques mois plus tard, en octobre de la même année) jusqu’à la fin de 1988.
Contrairement à d’autres revues comme Casus Belli ou Dragon Radieux, les COM avaient un ton plus mature et satirique, incluant même des articles sur la sexualité ou la violence dans les jeux de rôle.
C’est dans les COM qu’a été publié pour la première fois le jeu de rôle Trauma, conçu par l’équipe de rédaction du magazine. Les règles sont parues dans le numéro 1 et, au fil de différents numéros, ils ont publié du matériel additionnel, des modules, etc.
Le jeu a reçu un excellent accueil et, en janvier 1988, l’éditeur Aujourd’hui Communications a sorti la première édition du jeu, qui reprenait ce qui était paru dans les premiers numéros, sous la forme d’un volume relié en couleur (alors qu’il ne comptait que 56 pages). Les auteurs étaient Dominique Granger et Frédéric Leygonie, avec des illustrations de Patrick Blondeau et Fredy. Je me souviens avoir vu la couverture dans un magazine espagnol, peut-être Líder de Joc Internacional (*), mais je n'en suis pas sûr.
(* Note de La Moitié : Líder est une revue de jeux de rôle et de wargames, publiée de 1979 à 2003 par différents éditeurs, dont 62 numéros publiés par Joc Internacional de 1987 à 1999. C’est à Joc Internacional que l’on doit la première édition d’Aquelarre.)
C’était un jeu de rôle ancré dans le quotidien, où des gens comme vous et moi peuvent se retrouver embarqués dans des affaires de terrorisme, des enlèvements, des enquêtes policières et toutes sortes d’histoires d’action violentes. Les créateurs soulignaient que le jeu s’adressait à des joueurs expérimentés dans le JDR, et insistaient sur le fait que, comme dans la vraie vie, un faux pas pouvait être le dernier…
Le système de Trauma n’est pas très compliqué : les attributs des PJ vont de 3 à 18 et se déterminent en lançant 4d6 et en conservant les trois plus élevés (similaire à l'une des méthodes de génération d'attributs d'AD&D 2e édition). Il y a 10 caractéristiques principales et 5 attributs secondaires. Par ailleurs, le système encourage les joueurs à jouer leur propre personne : au lieu de créer un personnage, on se « transpose » soi-même dans le jeu ; des règles indicatives sont fournies pour estimer des équivalents numériques approximatifs de nos compétences réelles. C’était très novateur à l’époque, presque révolutionnaire, et on l’a très peu revu depuis. Disons que l’immersion était poussée un cran plus loin.
Les niveaux de compétence vont de 1 à 26. Les tests de compétence se résolvent en consultant une table : on y croise le niveau de compétence et les modificateurs de difficulté pour obtenir un seuil maximal à ne pas dépasser sur 1d100.
Pour les tests d’attribut « pur », on lance un certain nombre de d6 fixé par la difficulté. Pour réussir, le total doit être inférieur ou égal à la valeur d’attribut.
Le jeu a eu beaucoup de succès et a survécu à la disparition des COM. Quand le magazine a cessé de paraître, Casus Belli a continué à publier du matériel, vu l’immense popularité du jeu en France à cette époque.
En 1992, l’éditeur australien Darcsyde Productions (Melbourne) a traduit le jeu en anglais, puis le fit connaître aux États-Unis, où il reçut de bonnes critiques.
L'édition anglaise était toutefois beaucoup plus modeste que l'édition française d'Aujourd'hui Communications, avec une couverture souple en noir et blanc.
En plus du livre de base, ils ont sorti un supplément de 68 pages, couverture souple en noir et blanc, The Most Dangerous Game, rassemblant 9 scénarios.
Soit dit en passant, ce supplément est aujourd’hui assez recherché.
Aujourd’hui encore, le jeu reste bien vivant et, en 2016, la revue française RDA’Zine, dans son n° 2 de septembre 2016, a publié des règles pour jouer à Trauma au Moyen Âge, donnant naissance à Traumédiéval, qui permet d’utiliser les règles de Trauma pour cette époque. Et même, bien que cela s’éloigne un peu du principe de réalisme de base du jeu, un ensemble de règles de magie pour Traumédiéval a été inclus, baptisé Traumagie.
Se procurer des exemplaires physiques du jeu, épuisé et très recherché, est quasiment impossible, surtout pour l'édition française originale. L’édition anglophone n’est pas beaucoup plus facile à dénicher.
Quant aux copies numériques, c'est plus simple, mais pas de beaucoup : on peut trouver des numéros scannés des COM ainsi que des scans des règles anglaises. En revanche, les scans de l’édition française cartonnée ou du supplément The Most Dangerous Game sont bien plus rares, presque autant que les exemplaires physiques.
Je vous laisse ici un dossier zippé contenant les scans du jeu original paru dans les COM, une aventure tirée des COM et des feuilles de personnage vierges — le tout en français. Enfin… tout, sauf une chose : en bonus, je vous ajoute l’édition anglaise du jeu. Vous pouvez la consulter et/ou la télécharger via
ce lien.
Bon jeu !